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Baux Commerciaux La lettre du mois d'avril 2016

Jehan-Denis BARBIER
Docteur en droit
Avocat à la Cour

Par un arrêt du 17 mars 2016 (pourvoi n° 14-26.009), la Cour de cassation a jugé que  lorsque les parties ont signé des avenants comportant une extension de l’assiette du bail et un nouveau loyer, la variation de 25 % prévue à l’article L. 145-39 du Code de commerce doit se calculer à compter de la dernière modification du prix par avenant.
 
 Par cet arrêt, la Cour de cassation procède à un recadrage des règles de droit, alors qu’un précédent arrêt du 9 juillet 2014 avait semé la confusion [1].
 
Le litige portait sur la révision d’un loyer indexé.
 
On sait que, lorsque le bail comporte une clause d’indexation annuelle, le loyer augmente (ou parfois diminue) automatiquement chaque année, en fonction de l’indice choisi par les parties. Le loyer qui résulte de cette indexation est immédiatement exigible, et il n’est pas nécessaire de demander au Juge de le fixer. Le loyer dû résulte de plein droit de l’application de la clause d’indexation.
 
Mais l’article L. 145-39 du Code de commerce prévoit que cette indexation automatiquement peut parfois déboucher sur une révision légale, d’ordre public, c’est-à-dire sur un réajustement du loyer à la valeur locative, éventuellement fixée par le Juge si les parties ne se mettent pas d’accord.
 
L’article L. 145-39 du Code de commerce précise que, lorsque le loyer a automatiquement augmenté, en application de la clause d’indexation, de plus de 25 %, cela ouvre droit, pour l’une ou pour l’autre des parties, à la possibilité de demander la fixation du loyer à la valeur locative, dans le cadre d’une révision légale.
 
La variation de plus d’un quart, résultant automatiquement de la clause d’indexation, constitue donc la condition d’ouverture de la révision légale.

 La question posée dans le présent dossier était de savoir par rapport à quoi se calcule cette variation de plus d’un quart. Le texte dispose que la révision à la valeur locative peut être demandée « chaque fois que, par le jeu de (la clause d’indexation), le loyer se trouve augmenté ou diminué de plus d’un quart par rapport au prix précédemment fixé contractuellement ou par décision judiciaire ».
 
Ce texte parait tout à fait clair.
 
Si les parties ont signé en cours de bail un avenant modifiant les conditions locatives et fixant contractuellement un nouveau loyer, la variation de 25 % doit se calculer à partir du nouveau prix figurant dans cet avenant.
 
Si, en cours de bail, une décision judiciaire est intervenue pour fixer un loyer révisé, la variation de 25 % se calculera sur la base du prix fixé par cette décision judiciaire.
 
La Cour de cassation avait jugé, il y a déjà longtemps, que le décompte des 25 % devait se calculer par rapport à la dernière convention portant acceptation d’un loyer annuel, constituant une nouvelle fixation contractuelle du loyer. La signature d’un avenant mentionnant un nouveau loyer, même si cet avenant ne fait que reprendre le prix résultant de l’indexation contractuelle, constitue une nouvelle fixation contractuelle et « remet le compteur à zéro » pour le calcul des 25 % [2].
 
Cependant, un arrêt du 9 juillet 2014 avait semblé remettre en cause ces règles pourtant simples en indiquant, de façon assez confuse, que « pour déterminer la variation d’un quart, il convient de comparer au dernier prix fixé par l’accord des parties, hors indexation, le montant du loyer tel qu’obtenu par le jeu de la clause d’échelle mobile. ».
 
Cet arrêt du 9 juillet 2014 avait été critiqué et restera isolé [3].
 
Dans la présente affaire, le bail avait été conclu en 2004 puis les parties avaient signé des avenants notamment en 2011 et 2013 pour modifier l’assiette du bail, c’est-à-dire pour ajouter certaines surfaces et modifier le loyer en conséquence.
 
A l’évidence, un tel avenant, comportant une adjonction de surfaces et un nouveau loyer, constitue une nouvelle fixation contractuelle du loyer, puisque le loyer constitue un tout indivisible. Un tel avenant marque un nouveau départ pour le calcul de la variation de 25 %.
 
Le locataire avait néanmoins formé une demande de révision à la valeur locative, à la baisse, le 14 mai 2013, alors que le dernier avenant datait du 15 janvier 2013.
 
Il n’y avait évidemment pas eu d’augmentation de 25 % entre le 15 janvier et le 14 mai 2013.

 Mais le locataire, invoquant l’obscur arrêt du 9 juillet 2014, prétendait qu’il fallait faire abstraction des avenants et qu’il fallait comparer le montant du loyer à la date de la demande de révision au montant initial datant de 2004.
 
Cette thèse ne pouvait pas être suivie et la Cour de cassation précise bien que « la dernière modification par avenant (modification de l’assiette du bail et modification du montant du loyer par l’avenant du 15 juillet 2013) ayant précédé la demande de révision légale (notifiée le 14  mai 2013) devait être considérée comme le prix précédemment fixé conventionnellement au sens de l’article L. 145-39 du Code de commerce ».
 
Dès lors qu’il n’y avait pas eu de variation de plus de 25 % depuis le dernier avenant, la demande de révision du locataire était irrecevable.
 
 

[1] Cass. 3ème civ. 9 juillet 2014, Administrer août septembre 2014, p. 37, note J.-D. Barbier ; Gaz. Pal. des 23 et 25 novembre 2014, p. 21, note Ch.-E. Brault.
[2] Cass. 3ème civ. 16 décembre 1992, Gaz. Pal. 1993, 2, p. 309, note J.-D. Barbier.
[3] Voir le commentaire de Ch.-E. Brault et notre propre commentaire sous cet arrêt précité, note n° 1.

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