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Baux Commerciaux FIXATION DU LOYER ET AUTORITÉ DE LA CHOSE JUGÉE

 
 
FIXATION DU LOYER ET AUTORITÉ DE LA CHOSE JUGÉE
 
 
                                               
Jehan-Denis Barbier
Docteur en droit
Avocat à la Cour
Barbier-Associés
 
 

Cour de cassation, 3ème chambre civile, 6 février 2020
Pourvoi n° 18-24.980
 
L’autorité de la chose jugée lors du renouvellement du bail ne peut être opposée lors d’une révision ultérieure, si des évènements postérieurs sont venus modifier la situation.
 
 
LA COUR
 
Sur le moyen unique, pris en sa deuxième branche, ci-après annexé :
 
Attendu, selon l’arrêt attaqué (Paris, 5 septembre 2018), que la société Compagnie Foncière Saint Dominique, aux droits de laquelle se trouve la société Domi-Alma, a donné à bail commercial à la société Clinique de l'Alma un immeuble à usage de clinique ; qu’un jugement du 6 avril 2006 a fixé à 872 467 euros le loyer du bail renouvelé au 1 juillet 2002 ; que, le er 1 octobre 2010, la société bailleresse a assigné la société locataire devant er le juge des loyers commerciaux en fixation du loyer révisé au 12 juillet 2010 à 1 740 000 euros ;
 
Attendu que la société Domi-Alma fait grief à l’arrêt de fixer le montant du loyer révisé à
1 001 400 euros ;
 
Mais attendu que l’autorité de la chose jugée ne peut être opposée lorsque des événements postérieurs sont venus modifier la situation antérieurement reconnue en justice ; qu’ayant retenu que la clause 8 du bail qui mettait à la charge du preneur les travaux de mise en conformité des locaux constituait un transfert de charge sur le preneur à raison de la multiplication, ces dernières années, des normes de sécurité applicables aux établissements recevant du public, de sorte que cette situation constituait un élément nouveau depuis le jugement du 6 avril 2006 qui avait constaté l’absence de clause exorbitante de droit commun pouvant avoir une incidence sur la valeur locative, c’est sans méconnaître l’autorité de la chose jugée le 6 avril 2006 que la cour d’appel a fixé le montant du loyer révisé ;
 
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
 
Et attendu qu’il n’y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur les autres griefs qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;
 
 
 
PAR CES MOTIFS, la Cour :
 
REJETTE le pourvoi (…)
 
 
Décision attaquée : CA Paris (Pôle 5 – Chambre 3), 5 septembre 2018
 
Arrêt n° 80 F-D
 
Monsieur Domi-Alma c/ Société Clinique de l’Alma
 
M. Chauvin, prés. ; Mme Provost-Lopin, rapp. ; SCP Nikolaÿ, de Lanouvelle et Hannotin et SCP Baraduc, Duhamel et Rameix, av.
 
 
COMMENTAIRE
 
Le loyer d’une clinique avait été fixé lors du renouvellement de son bail à effet du 1er janvier 2002.
 
Quelques années plus tard, en 2010, la société bailleresse demanda la révision du loyer sur le fondement de l’article L. 145-39 du Code de commerce car, effectivement, du fait de la clause d’indexation du bail, le loyer avait varié de plus de 25 %. Il devait donc être fixé, dans le cadre de la révision en 2010, à la valeur locative.
 
L’arrêt de la Cour d’appel de Paris donne des indications intéressantes sur l’évaluation du loyer des cliniques (I). Mais la Cour de cassation était saisie d’une question de principe concernant l’autorité de la chose jugée : alors que, lors du renouvellement de 2002, aucun abattement pour charges exorbitantes n’avait été retenu, la Cour d’appel en avait retenu un pour la fixation du loyer révisé en 2010. La décision ne se heurtait-elle pas à l’autorité de la chose précédemment jugée ? (II).
 
 
I – SUR LA MÉTHODE D’ÉVALUATION DU LOYER DES CLINIQUES
 
La méthode d’estimation de la valeur locative des cliniques n’était pas remise en cause devant la Cour de cassation et la motivation de l’arrêt de la Cour d’appel de Paris mérite d’être retenue.
 
Une clinique est en principe un local monovalent, comme tel non soumis au plafonnement du loyer, conformément à l’article R. 145-10 du Code de commerce, selon lequel : « Le prix du bail des locaux construits en vue d'une seule utilisation peut, par dérogation aux articles
L. 145-33 et R. 145-3 et suivants, être déterminé selon les usages observés dans la branche d'activité considérée »[1].
 
 
La question de savoir s’il existe toujours des usages particuliers pour l’estimation du loyer des cliniques a fait l’objet de débats ces dernières années
[2].
 
En effet, la méthode dite « au lit », en fonction du prix unitaire de la chambre, a été remise en cause à la suite de la réforme de la tarification dite T2A en mars 2005.
 
Depuis lors, le financement des établissements de soins privés est déterminé selon les pathologies traitées, non plus en fonction des durées de séjour ou des actes médicaux. C’est pourquoi, en l’espèce, la Cour d’appel de Paris, suivant en cela l’avis des experts judiciaires, jugea qu’il n’existait plus d’usage particulier pour la fixation du loyer des cliniques. En effet, la « nouvelle tarification a rendu impossible le recours à une combinaison du prix du lit, d’un taux sur recette et de la surface des locaux, puisque ces paramètres ne sont plus opérants ».
 
C’est pourquoi le loyer de la clinique fut estimé en l’espèce en fonction des surfaces, comme des locaux classiques.
 
Il n’en demeure pas moins que, même en l’absence de méthode d’évaluation spécifique, une clinique reste un local monovalent. Le critère de la monovalence est une chose ; la méthode d’évaluation, autre chose.
 
Ainsi, à défaut d’usage particulier, le loyer d’un local monovalent doit être fixé à la valeur locative selon les critères classiques
[3].
 
En l’espèce, les experts avaient retenu une surface pondérée de 3.927 m² P et avaient conclu, l’un à 300 € le m² pondéré, l’autre à 340 € le m² pondéré.
 
La Cour d’appel, approuvant le Juge de première instance, retint un prix de 300 € le m² pondéré.
 
Ensuite, la Cour d’appel pratiqua un abattement de 15 % pour tenir compte de la clause mettant à la charge du locataire les travaux exigés par l’Administration, notamment pour les mises aux normes.
 
C’est sur ce dernier point que portait le pourvoi en cassation, le bailleur invoquant l’autorité de la chose jugée d’une précédente décision qui avait exclu tout abattement.
 
 
II – SUR L’AUTORITÉ DE LA CHOSE JUGÉE LORS D’UNE PRÉCÉDENTE
          FIXATION

 
Un bail commercial dure en principe neuf ans et a vocation à être renouvelé. La situation du locataire est stable, surtout pour des locaux particulièrement aménagés, telle une clinique. Au cours de la longue durée des relations locatives, le loyer peut faire l’objet de plusieurs fixations, soit lors des renouvellements du bail, soit à l’occasion d’une révision triennale ou, comme en l’espèce, lors d’une révision d’un loyer indexé.
 
La question posée est de savoir si une décision de fixation à une certaine date a autorité de la chose jugée sur les fixations ultérieures.
 
En principe, s’agissant par hypothèse d’une fixation à une autre date, il n’y a évidemment pas d’autorité de la chose jugée quant au prix.
 
En revanche, s’agissant toujours du même bail qui fait l’objet de renouvellements ou de révisions, certaines caractéristiques du bail, si elles ont été tranchées lors d’une procédure, se retrouvent lors des procédures ultérieures.
 
La Cour de cassation a ainsi retenu l’autorité de la chose jugée lorsqu’à l’occasion d’un renouvellement, des locaux ont été jugés comme n’étant pas à usage exclusif de bureaux : cette qualification s’impose lors des renouvellements ultérieurs. Une cour d’appel, qui avait ainsi jugé que des locaux étaient à usage exclusif de bureaux, alors que lors du précédent renouvellement, un jugement définitif avait dit que les locaux n’étaient pas loués à usage exclusif de bureaux, a été sanctionnée pour violation de l’autorité de la chose jugée
[4].
 
De même, a été cassé un arrêt qui avait retenu que des locaux ne pouvaient pas être qualifiés de monovalents, alors qu’une précédente décision avait retenu ce caractère
[5].
 
L’autorité de la chose jugée s’applique-t-elle également à la méthode de calcul ? Dans l’affaire commentée, la Cour de cassation semble admettre que la pratique d’un abattement ou non en fonction des charges exorbitantes du bail puisse bénéficier de l’autorité de la chose jugée, puisqu’elle exclut cette dernière, non pas sur le terrain des principes, mais en raison d’évènements postérieurs. Il est vrai que, s’agissant toujours du même bail et des mêmes clauses et conditions, il serait curieux de juger, à l’occasion d’une fixation, que le locataire ne supporte pas de charges exorbitantes, et, à l’occasion d’une autre fixation, qu’il en supporte.
 
Cependant, la fin de non-recevoir tirée de l’autorité de la chose déjà jugée suppose que la situation reste identique.
 
En l’occurrence, la Cour de cassation rappelle que « l’autorité de la chose jugée ne peut être opposée lorsque des événements postérieurs sont venus modifier la situation antérieurement reconnue en justice ». Cette formulation a déjà été retenue par la Cour de cassation pour permettre, notamment, la remise en cause du paiement d’une indemnité d’éviction en raison de postes indus
[6].
 
Dans l’affaire présentement commentée, la Cour de cassation considère que l’aggravation de la réglementation relative aux normes de sécurité, au cours des dernières années, constitue une circonstance nouvelle permettant de remettre en cause l’autorité de la chose précédemment jugée.
 
Si aucun abattement n’avait été retenu lors d’un précédent renouvellement, la multiplication des normes de sécurité applicables aux établissements recevant du public, au cours des dernières années, constituait un élément nouveau permettant, cette fois-ci, de retenir un abattement pour charges exorbitantes.
 
[1] Cass. 3e civ. 21 juillet 1981, Gaz. Pal. 1982, 1, panor. p. 87. Toutefois, une clinique psychiatrique sans aménagement spécifique ne serait pas monovalente : Cass. 3e civ. 30 octobre 2007, n° 06-18355, Gaz. Pal. 29 décembre 2007, somm. p. 22, note J.-D. Barbier.
[2] F. Robine et J. Martins : Incidence de la réforme T2A sur l’évaluation des loyers de cliniques, AJDI 10 avril 2007, p. 276 ; J.-P. Mignot : Les conséquences de la T2A sur les loyers des cliniques, Gaz. Pal. 26 juillet 2007, n° GP20070726004, p. 10 ; J.-M. Moyse et T. Bergeras : Le loyer des cliniques depuis la réforme de la tarification à l’activité (T2A), Gaz. Pal. 19 avril 2014, n° 176r1, p. 13 ; F. Robine : L’inadaptation inéluctable des cliniques au bail commercial, Gaz. Pal. 25 nov. 2014, n° 202u8, p. 13.
[3] Cass. 3e civ. 3 mai 1978, Bul. civ. III, p. 141 ; CA Paris 5 avril 1979, Gaz. Pal. 1979, 2, p. 502.
[4] Cass. 3e civ. 3 avril 1996, n° 94-17518.
[5] Cass. 3e civ. 20 mai 2015, n° 14-12223.
[6] Cass. 3e civ. 28 mars 2019, n° 17-17501, Administrer mai 2019, p. 34, note J.-D. Barbier.

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