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Baux Commerciaux La résiliation du bail pendant le maintien dans les lieux du preneur

LA RÉSILIATION DU BAIL PENDANT LE MAINTIEN DANS LES LIEUX DU PRENEUR

COUR DE CASSATION (3ème CHAMBRE CIVILE), 4 mai 2000 (Présidence de Mlle FOSSEREAU, Mme Stéphan, cons., M. Guérin, avocat général, Mes Roger et Vuitton, avoc.), Sté Sogimar c/ Mlle Robert et Banque pour la Promotion des Investissements Pribanque (Pourvoi en cassation d'un arrêt rendue par la 16e ch. B de la Cour de Paris le 8 avril 1998).

Le locataire qui peut prétendre à une indemnité d'éviction étant maintenu dans les lieux aux clauses et conditions du bail échu, la demande de résiliation judiciaire du bail, fondée sur des changements de distribution des lieux loués, sans respecter les clauses et conditions du bail expiré, n'est pas soumise à l'exigence d'une mise en demeure préalable.
Le bailleur qui refuse le renouvellement en faisant offre de payer l'indemnité d'éviction dans les termes de l'article 8 du Décret, a la faculté :
  • de rétracter cette offre pour y substituer un refus fondé sur des motifs graves et légitimes, en se conformant aux dispositions de l'article 9 1° du Décret, avec le rappel de la forclusion encourue dans cette hypothèse, par le preneur, dans les termes des articles 5 et 6 du Décret (C Paris 16e ch. B 21 mai 1999 : Gaz. Pal. n° spécial Baux commerciaux, 4-6 juin 2000, p.35, note P.H. Brault),
  • de dénier au preneur le bénéfice des dispositions statutaires, faute par celui-ci de remplir les conditions prévues à cet effet par les articles 1 ou 4 du Décret,
  • soit enfin, d'exercer le droit de repentir prévu par l'article 32 du Décret si les conditions sont remplies
Mais corrélativement, il a fallu déterminer si le bailleur pouvait également, pendant la période où le preneur évincé est maintenu dans les lieux, selon l'article 20 du Décret, solliciter la sanction d'une infraction commise, soit sur le fondement de la clause résolutoire, soit dans le cadre de la résiliation de droit commun découlant de l'article 1184 du Code civil.
1) Il est admis depuis longtemps que le bailleur a la faculté d'invoquer le bénéfice de la clause résolutoire après mise en demeure, même postérieurement à l'échéance du bail à la suite d'un refus de renouvellement, puisque le maintien dans les lieux s'opère aux clauses et conditions du bail échu (Cass. civ. 10 nov. 1993 : Gaz. Pal. 1994,1, somm. p. 140 ; Brault et Barbier, "Le nouveau statut des baux commerciaux", éd. 2000, annot. art. 9, p. 46).
2) La possibilité de poursuivre également la résiliation du bail selon le droit commun a fait l'objet pendant longtemps d'une jurisprudence se prononçant en faveur de l'irrecevabilité d'une telle demande, dans la mesure où la résiliation judiciaire prend effet au jour du prononcé du jugement, soit postérieurement à la date où le bail commercial a pris fin par l'effet du congé avec refus de renouvellement ou du refus opposé par le bailleur sur la demande de renouvellement notifiée par le preneur (C. Paris 21 avr. 1992 : Gaz. Pal. 1992,2, somm. p. 504, note P.H. Brault ; C. Paris 17 nov. 1992 : Loyers et copr. 1993, comm. 182 ; C. Grenoble 2e ch. civ. 14 mai 1996 : Juris-data n° 042714, contra C. Bourges 29 fév. 1988 : Loyers et copr. 1989, n° 75). Néanmoins, la Cour de Cassation, suivant arrêt du 1er mars 1995 (Administrer juil. 1995, p. 27, note Barbier ; D. 1997, somm. p. 302, note Rozès), s'est prononcée explicitement en faveur de la recevabilité d'une telle demande, en rappelant que le bailleur avait également la faculté de se prévaloir de la clause résolutoire.
On a fait remarquer, non sans raison, qu'il s'agissait d'une fiction juridique (cf. note J.D. Barbier, Administrer, précitée) et qu'il s'agissait d'une résiliation du droit au maintien dans les lieux (G. Guérin, "La perte du droit à indemnité d'éviction, sanction d'un comportement fautif du preneur maintenu dans les lieux", Loyers et copr. fév. 1989, p. 1).
La 16e ch. A de la Cour de Paris paraît s'être rangée à la jurisprudence de la Cour de Cassation (C. Paris 16e ch. A 3 déc. 1997 : Juris-data n° 023788).
La Cour de Cassation, en faisant explicitement référence aux articles 1741 du Code civil, 9 1° et 20 du décret du 30 septembre 1953, maintient sa jurisprudence, avec les conséquences qui en découlent.
3) Mais l'arrêt déféré à la Cour ne s'était pas explicitement prononcé sur la recevabilité de la demande: après avoir estimé que la gravité des infractions reprochées était évidente, l'arrêt avait relevé qu'aucune mise en demeure n'avait été adressée au preneur, si bien que la mesure d'expertise prévue pour recueillir les éléments d'appréciation de l'indemnité d'éviction devait être maintenue.
Or, il est de jurisprudence constante que la saisine du Tribunal n'est pas subordonnée à la notification préalable d'une mise en demeure, l'assignation valant mise en demeure de la partie défaillante, dont l'attitude postérieure peut être prise en considération par la juridiction saisie (Cass. civ. 25 oct. 1968 : JCP 1969 éd. G II 16062 ; Cass. civ. 12 oct. 1988 : Rev. loyers 1989, p. 118 ; Cass. civ. 23 juin 1993 : Rev. loyers 1993, p. 350).
Rien n'interdisait donc au bailleur de s'abstenir de notifier toute mise en demeure, soit sur le fondement de l'article 9 1° du Décret, soit au visa de la clause résolutoire, pour porter son choix sur la demande de résiliation de droit commun, et il appartenait aux juges du fond d'examiner le bien fondé des griefs avancés par le bailleur, pour déterminer s'ils étaient d'une gravité suffisante pour justifier la résiliation du bail entraînant par voie de conséquence l'extinction de tout droit à indemnité d'éviction.
L'interférence des procédures de droit commun et statutaire peut en l'occurrence appeler quelques réserves, mais il est manifeste que la Cour de Cassation entend maintenir au bénéfice du propriétaire le choix de la sanction éventuellement encourue pendant toute la durée du maintien dans les lieux.

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